La pluie frappe les carreaux, les gouttes d’eau glissent comme des larmes sur une joue. Le vent
secouent les branches du chêne proche de la maison. Le ciel est gris sans le moindre coin bleu.
A l’intérieur, Jeanne pelotonnée dans son fauteuil est songeuse. Sur la table une théière laisse
échapper un peu de vapeur, dans la tasse refroidit une tisane.
Un coup de sonnette sort Jeanne de sa torpeur. Un instant d’hésitation, ira-t-elle ouvrir ? Elle se lève
et se dirige doucement vers l’entrée. Déjà une deuxième coup de sonnette impatient. Jeanne
déverouille et entrouvre la porte. Devant elle une femme au sourire avenant.
- Bonjour, vous êtes bien Jeanne Hébutherne ?
- Oui c’est moi
- Florence Geffroy, je suis journaliste et je fais un reportage sur des artistes femmes, peu connues,
oubliées… - Vous pouvez entrer, mais savez-vous que je suis morte depuis longtemps ? Que je ne vis plus.
- Je sais bien, mais je me permets d’insister, j’aimerai comprendre qui vous êtes, qui vous avez été.
J’ai essayé de vous joindre par téléphone mais je n’ai rien trouvé à votre nom aussi voilà je suis
venue à tout hasard.
Les deux femmes s’installent dans le salon, face à face. Jeanne propose une tasse à la visiteuse. - Comment m’avez-vous trouvée ?
- J’ai rencontré votre fille en Italie, l’hiver dernier, on a beaucoup parlé, échangé, vous savez qu’elle
écrit, elle est historienne d’art. Je m’intéressais alors aux enfants d’artistes, j’en avais fait un article
mais qui malheureusement n’a pas trouvé preneur dans un journal. Votre fille donc m’a dit que vous
étiez parfois ici et qu’il était possible de vous voir. - Ah oui ma fille, nous nous sommes perdues, pourtant je l’aime ma fille, j’aime ce qu’elle est
devenue. Mais la vie décide de séparer ceux qui s’aiment.
Un long moment de silence, les deux femmes semblent s’être retirées dans leurs pensées
personnelles, intimes.
Florence fredonne
Mais la vie sépare ceux qui s’aiment
Tout doucement sans faire de bruit
Et la mer efface sur le sable
Le pas des amants désunis1
Jeanne sourit, - Elle est belle cette chanson. Moi c’est d’avec mon enfant que je me suis désunie. Pas assez de place
pour elle dans ma vie avec Amedeo, nous étions trop amants et pas assez parents. - Vous étiez artistes tous les deux et la peinture est exigeante n’est-ce pas ? Je voulais savoir
comment vous êtes arrivée à la peinture. Pourquoi avez-vous si peu réalisé de tableaux ? Ceux que
j’ai pu admirer m’ont beaucoup émue. - Toute ma vie j’ai eu besoin de recréer ce que je voyais, depuis tant que je me souvienne j’avais des
carnets sur lesquels je dessinais. Je voulais saisir le mouvement et et en même temps représenter
l’instant figé. C’était un continuum de ma pensée, j’était souvent seule et je m’y trouvais bien, mes
1 Les feuilles mortes – Jacques Prévert
dessins étaient mes compagnons. - Vous les avez gardés ces carnets ?
- Non, bien sûr que non, je n’ai rien de ma vie antérieure. Tout a disparu quand je me suis jetée par
la fenêtre. - Vous avez des regrets ?
- D’être morte ? Je ne sais pas ce que c’est le regret. Je crois qu’il ne sert à rien. Le temps de la
peinture a été une période pleine de vie, en dehors de la réalité. Une violence dans le désir de
création, une violence dans le désir de représenter le monde à ma façon.
Vous savez, j’ai posé pour Foujita, été la muse, comme on dit, d’Amedeo Modigliani, mon cher
amant. Ils disaient que j’étais belle et ces portraits étaient beaux mais je savais que ce n’était pas moi
qu’ils peignaient mais une idée de moi. Et je n’étais pas satisfaite. - C’est pour cela que vous avez voulu peindre vous aussi ?
- Oui peut-être, mais pas réellement, mes professeurs disaient que j’avais du talent, que je devais
l’exprimer. Alors oui la peinture comme une évidence. Passer des esquisses à la couleur. La peinture
détient ce merveilleux qui sublime l’ordinaire.
Comment savoir ce qui vous pousse à réaliser quelque chose, on ne cherche pas l’intérêt de faire ou
de ne pas faire, on produit parce que l’on ne peut pas faire autrement, c’est en nous.
Et puis c’est aussi, comment dire, une émulation entre deux êtres passionnés, il peint, je peins, nous
sommes sur un même bateau et chacun rame pour le faire avancer. « J’aime quand tu peins, j’aime ce
que tu fais, va encore mon amie » me disait-il. - Vous avez du talent et pourtant vous n’êtes pas connue du grand public…
- Vivre avec cet immense artiste que fût Amedeo m’a laissée dans l’ombre sans doute. Et je n’étais
pas à ma place de femme. La femme qui se devait d’être une bonne mère, solide et stable. Non je
n’étais pas cela. J’ai aimé passionnément, trop sans doute, mais que sait-on de l’amour. Il vous
enchante, il vous dévaste tour à tour. Je n’attendais rien en retour. Amedeo ne m’a pas aimé comme
je l’ai aimé. Il était inatteignable. - L’amour vous a détruit ?
- Détruit ? non pas l’amour, j’ai peint cette chambre jaune où gisait comme endormie une femme
morte, et le curé en soutane noire dans l’entrebaillement de la porte représentait le poids de la
religion sur ma vie. J’ai voulu me défaire de ce poids, ces injonctions catholiques à rester à sa place,
des sermons sur ce qui était bon ou mal. J’ai eu besoin de me défaire de ce carcan qui empêchait la
création, et cela a provoqué la rupture avec mes parents.
Excusez-moi, mais je me sens lasse de parler, il me faut arrêter là notre conversation. - Oui bien sûr je ne voudrais pas abuser, peut être je pourrai revenir à un autre moment ?
- Non je ne crois pas, cet instant ne peut pas se reproduire, c’est ainsi, cela fait partie d’un autre
monde dans lequel je ne suis plus. Adieu Florence.
Florence se lève, regarde longuement Jeanne, comme pour s’imprégner de ce beau visage. - Merci Jeanne de m’avoir confié vos sentiments.
Elle quitte la maison tout doucement. S’arrête dans la rue et reste immobile sous la pluie à observer
la maison.
Bientôt elle voit Jeanne sortir, un long manteau ouvert sur sa robe grise. Elle la voit s’élancer dans la
rue. Elle court, ses longs cheveux lui viennent sur les yeux. Ses talons claquent sur les pavés
humides. Florence entend son pas pressé qui peu à peu s’estompe pour n’être plus qu’un écho dans le
silence.
Jeanne belle attirante
Muse et amante
A délaissé ses pinceaux
La couleur vivait dans ses tableaux
Mais le gris a envahi sa vie
Et ce fût sa tragédie
Le père
Je vais sûrement aller la retrouver. Je ne peux pas faire autrement. M’aura t-elle attendu ? Cela fait
si longtemps que je suis parti, que j’ai disparu brutalement de sa vie. Pourtant au fond de moi ce
n’est pas ce que j’avais voulu. Nous étions bien ensemble dans un petit cocon rassurant. Notre
amour si vaste m’a emporté. De vieux démons me revenaient, peur de l’abandon, peur de la perdre.
J’ai pris un virage dans notre vie. Je n’aurai pas dû sans doute, nous avions encore tant de choses à
vivre. Mais le mal se développait en moi et il me fallait partir pour l’extirper, pour ne pas qu’il
s’étende sur elle aussi.
Nous venions de découvrir qu’elle attendait un enfant. C’était trop fort pour moi. Comment pourrais je prendre en charge cet enfant ? N’allais-je pas moi aussi, comme mon père fuir, tout laisser pour ne pas me charger de trop d’amour ? La crainte de me perdre dans cette vaste inconnue qu’est l’avenir.
Cette maison bleue me paraissait pourtant représenter le temple où nous installer pour toujours. Elle nous avait fasciné comme si elle nous attendait. Alors j’avais entrepris les démarches pour l’acquérir. Pourquoi a-t-il fallu que je retrouve cette ombre du passé « comme un aigle noir il m’était revenu »
cet homme qui me ramenait à mon passé, mon père. Car oui c’était mon père le propriétaire.
Il m’invita à découvrir l’intérieur de la maison, je ne crois pas qu’il savait qui j’étais, sans doute
m’avait-il oublié dans les méandres de sa mémoire.
Qui étions-nous l’un pour l’autre ? Moi je savais, je l’avais reconnu instantanément. Mais lui ? Cette
question restait en moi comme une cicatrice dans mon coeur. Nous ne nous ressemblions pas, mais
son regard gris au travers de ses lunettes faisait miroir au mien.
Il ignorait ce que le chien avait laissé comme traces. Ce chien qui le suivait, je le connaissais même
s’il était évident que ce n’était plus le même que j’avais connu. Non ce chien aujourd’hui ne me
connaissait pas mais il restait le symbole des jours heureux en famille, avant que…
J’aurais aimé qu’un drame se joua à cet instant. Que le chien me morde, que la maison explose, que
l’homme me reconnût en disant « mon fils ». Mais non le drame se jouait uniquement dans cette
impatience qu’il avait à s’en aller.
Nier devenait ma force. Nier tout de ma vie antérieure. Revivre enfin lavé de mon histoire. Nier
qu’un jour j’ai voulu gagner l’amour d’un père disparu. Nier que je pourrai vivre malgré tout. Non
ma force était dans la fuite…
Anne
- Je crois avoir déniché un trésor !
- Merveilleux ton fils pourra apporter son télescope et vous ferez des veillées au coucher
du soleil ! Je le dépose à la garde de ….
Aurélie avait déniché cette maison à louer, libre de suite, légèrement en hauteur, sur la colline,
orientée est-ouest, d’où elle pouvait voir la mer, le lever de soleil, le coucher de soleil.
On aurait dit que la lune, les étoiles, le soleil tournaient tout autour de la maison rien que pour
elle. - Je récupère donc Nicolas le 28 Février. On se redit où exactement si c’est chez toi ou
bien …
Tombés en accords, Aurélie raccroche le combiné, conversation terminée.
Le mauvais temps s’était évaporé, à l’horizon, quelque part … Et ce matin, le soleil éclaire enfin
sa chambre pour la première fois depuis des jours.
Pourtant, rien ne se passe comme d’habitude ! Impossible de trouver ses chaussons et le sol
est froid en ce mois de Février.
Elle se prend la poutre de la salle de bain directement sur le front, ça lui fera un beau bleu
quand elle sortira ! Elle trouve une souris dans la cuisine, et pire que tout autre chose, la
cafetière ne fonctionne plus.
De soupir en soupir, elle vient chercher son vélo, l’extirpe tant bien que mal du bric à brac de la
remise, l’enfourche enfin et sans tomber quitte sa petite baraque, pour la première fois, depuis
son arrivée sur l’île.
Tandis que la bicyclette fend l’air, ses inquiétudes s’envolent au vent, libérée de son anxiété,
elle file vers le port. Vertige de la vitesse, le corps qui travaille, adrénaline enfin retrouvée.
D’un coup sec , elle fraina , laissant passer un marin surgit de nulle part, grommelant sur son
passage.
Diantre! Se dit-elle, ce n’est pas le moment de se faire mal voir ici !
Prudemment, Aurélie se dresse, immobile, sur son vélo, un pied à terre… quelques secondes,
le souffle court. Elle dirige son attention vers la place ouverte sur le port. Ses deux commerces
et le bistrot étaient ouverts, solitaires, presque déserts.
Et puis, un sifflement, un cliquetis de ferrailles, claquement des vagues, quelque chose attire
son attention, de l’autre côté, vers les bateaux …. Non ce n’est pas là …
Vers la plage, encore plus à droite, blotti contre la falaise, timide, silencieuse, sans personne
pour fouler son sable fin.
Sauf ce chien qui aboie joyeusement.
Sauf cette silhouette qui s’active autour des bateaux.
Et au bord de l’eau, elles sont sept petites barques, reliées les unes derrière les autres, par une
corde rugueuse,
Sept bateaux joyeusement colorés, tâches de couleurs vives sur une eau limpide, miroitement
de lumières. Des peintres s’en seraient régalés.
Auraient-ils reproduit ces mots peints sur chaque proue?
Aurélie plisse des yeux face à la luminosité du soleil. Commence à déchiffrer. “Londonderry”,
murmure-t-elle.
Elle saute sur l’autre barque : “la Jeanne B.”, enjambe la troisième barque , c’est un “N”, ah! “La
Nelly”, Troisième prénom de femmes.
Au quatrième, elle est bien trop loin pour déchiffrer. Peut-être…Junko … Tabel ! Ah ! encore une
femme, d’où le savait-elle d’ailleur? Junko ???
Et puis elle reporte son attention sur cette silhouette: tout en jaune vêtue qui semble se noyer
dans un ciré trop grand, grosses bottes de marin, n immense chapeau ciré. Ses mouvements
sont sûrs d’eux mêmes, de la poigne dans les mains agiles, de la force dans les bras.
Est-ce une femme, est-ce un homme? Impossible de s’en faire une idée.
Curiosité toute éveillée, Aurélie est tentée de venir à sa rencontre. Mais son estomac grinça la
rappelant à sa faim, l’envie du café se fit plus forte, une bonne viennoiserie … Et elle se dirige
vers l’unique bistrot du port.
Elle n’y reste pas longtemps, juste quelques heures, tout de même. D’abord elle tient une
conversation pour la première fois avec un habitant de l’île, le barman. Il a bien fallu se
présenter, répondre aux questions. - Je viens du continent, (réponse vague … ) , mon fils arrive dans quelques jours pour les
vacances, moi ça fait une bonne semaine que je suis là. Petit break de Février, pour
reprendre ensuite mon boulot.
On l’invite à prendre place sur la terrasse, face au port, face à la mer. Se laisser bercer par le
temps qui s’efface dans un enchantement maritime …
Elle aura pris deux cafés, deux journaux de presse, une bière. Puis à midi, heure du déjeuner,
elle préféra rentrer.
Sur le retour, la plage est déserte, mais curiosité toute éveillée, elle prend le chemin terreux qui
descend jusqu’au sable.
Contre un mur de pierre, elle retrouve les barques, elles sont dressées , telles des coques de
noix évidées, séchant au soleil.
Elle remarque une cabane toute vieillotte cachée derrière un rocher. Il len sort une silhouette
noyée dans son ciré jaune, venant à sa rencontre. - Vous souhaitez inscrire votre enfant pour une sortie en mer, un cours de navigation ?
- Oui, heu … non, enfin si! Si! Pour des renseignements d’abord.
La voix est grave, comme déraillée, tremblottante, au visage tout tanné d’une femme, toute
vieille, dans la force de son âge.
La vieille dame s’amuse de son hésitation, - Suivez-moi au bureau, je vous donne le formulaire d’inscription. Pas de problème de
santé de votre enfant? Idéalement il faudrait un certificat médical si votre fille ou votre fils
prend des cours avec nous. Oh! C’est ma petite fille qui prend la voile, moi je gère le
reste. - Aaah! murmure Aurélie presque soulagée, honteuse
Elle est frappée par l’humidité de la cabane, l’odeur âcre du sel de mer emmêlée dans un fumet
de goémon vieillis.
Le bureau est éclairé par l’unique ouverture faisant office de fenêtre. Dans la semi-pénombre de
la cabane, elle distingue les certificats d’activités encadrés et accrochés au mur. A leur suite,
des photos alignées les unes derrière les autres, à la queuleuleu, visages de femmes, elles
étaient belles, différentes époques.
Aurélie se retourne vers la plage, observe les barques retournées; elle revient vers l’intérieur de
la cabane, se rapproche des photos sans dates, sans noms. - Madame, demande-t-elle, qui sont-elles? Je ne vois pas de noms indiqués, mais est-ce
- leurs prénoms qui sont sur vos bateaux?
La vieille dame sourit, petites lumières vives dans les yeux couleur vert d’eau.
Vous avez bien vu, confirme-t-elle, oui, sept barques, sept noms de femmes,
exploratrices, découvreuses, oubliées aussi, d’abord connues en leur temps puis
tombées dans l’oubli, on nomme cela “effet matilda ».
Pourquoi l’absence de nom sous les photos ?
Les gens posent plus souvent des questions. Pas beaucoup remarquez. Certains
enfants, aussi, leurs pourquoi sont tellement plus spontanés.
Elle cite alors, dans une force les rendant presque vivantes encore :
“L’Odette, Odette de Puigaudeau, une des premières femmes à s’engager sur un thonier en
France, en tant que journaliste. Elle consacre sa vie aventureuse au Sahara occidental.
Ethnologue, scientifique, littéraire !
Et l’Aigle Caroline ? Qui est-ce ?
Pilote de chasse française, dans l’armée de l’air, première femme à avoir ouvert une
voie à l’école polytechnique,
Et La Jeanne B. ?
C’est Jeanne Barret. botaniste, première femme à avoir fait le tour du monde en
embarquant déguisée en homme sur des bâteaux. Nommée femme extraordinaire par
Louis XVI !
La Londonderry, Annie , première femme à avoir fait le tour du monde en bicyclette.
Junko Tabei , alpiniste japonaise, première femme à avoir gravi l’Evereste jusqu’à son
sommet.
L’amélia surnommée lady Lindy , première femme ayant traversé l’atlantique en avion et
à l’avoir traverser en solitaire : elle disparut lors d’un vol ….
Et Bessie C.; Bessi Colman, première femme noire pilote d’avion aux états-unis,
Des pourquoi dansent dans ses pensées, se bousculent trop rapidement pour oser les poser.
La vieille dame interroge cette jeune femme du regard qui l’intrigue. Au doux regard, trop
hésitant peut-être, pas assez franc sans doute, mais honnête très certainement.
Où logez-vous ?
Aurélie cite la roseraie.
Oh! Petite maison mais bel espace de jardin, bel emplacement. Vous avez bien trouvé,
souvent elle n’attire pas, trop petite, moins pratique. Vous venez pour la première fois?
Oui, répondit Aurélie, j’ai habité la côte sud du continent pendant longtemps, mon
grand-père était marin. Par goût pour la mer, l’ailleurs que pour le poisson. Il est mort en
mer. Mon père s’est mis à détester tout ce qu’il y avait trait à l’exploration, au désir
d’ailleurs, à l’aventure comme on dit. Il a pris une ferme au milieu des terres, et il n’en a
plus bougé de toute sa vie. Moi, je suis devenue commerciale à l’internationale, un
temps, rien que pour voyager. J’ai appris à faire un peu de voile, j’ai fait quelques randos
en kayak, pas plus …
Mais pourquoi raconte-t-elle tout ça ? Comme pour s’empêcher d’en dire trop, elle osa soudain
demander: “Et vous, Madame, … vous êtes d’ici peut-être ?”
Je ne suis pas née sur l’île, je m’y suis installée d’abord comme aide cuisinière, et puis
j’ai travaillé dans l’usine à sardines. J’ai épousé le boulanger de l’île. Ma fille a été
skippeuse, elle est décédée en mer. Ma petite fille qui s’occupe de l’école de voile,
dit-elle fièrement. Ça lui permet de vivre une partie de l’année ici.
Soudain, le téléphone sonne, mettant fin à leur conversation. Il y a de l’électricité ici !
Aurélie repart avec le formulaire. Non sans un dernier regard embrassant les sept photos.
Un jour , elle présente son fils à la vieille Dame, au bureau de l’école de voile.
Tous les deux foulant le sable frais , aurélie appelle la silhouette jaune, noyée dans son ciré
trop grand, chapeau ciré. La silhouette lui tourne le dos, penchée sur le chien avec qui elle
jouait. La silhouette se retourne.
Aurélie failli avoir un attaque, pendant quelques secondes, persuadée de se trouver face à
face auprès d’une veille femme rajaunie en quelques jours. Visage d’une jeune femme au
regard vert d’eau , le regard surtout, finalement moins les traits de la vieille dame.
Oh! Pardon … j’ai cru …
Vous souhaitez peut-être voir ma grand-mère ? Elle s’est absentée. Suivez-moi au
bureau. Bonjour Jeune homme ! s’adressant au petit garçon.
Je m’appelle Sonia Castel, se présenta t-elle, sur un serrement de main.
Elles firent les présentations et l’inscription; le jeune garçon visitant la cabane, jouant avec le
chien sur la plage, regardant les barques.
Dans la cabane éclairée, quelque chose la met mal à l’aise. Photographies presque vivantes.
Noir et blancs lumineux, trop de regards insistants. Ils semblent vous suivre tels ces portraits
faits par des peintres doués.
Tout d’un coup, un regard l’attrapa complètement. Le sixième en partant de la gauche. Même
yeux que celui de la jeune femme, même traits du visage, à s’y méprendre … Plus frappant
encore chez la jeune femme que chez sa grand-mère.
Le téléphone sonne , mettant fin à leur entrevue. Aurélie sort du bureau la bouche ouverte,
muette, au grand désarroi de son fils qui en profite pour se rendre impossible. Une fois calmé,
la mère joua avec lui, se promena dans l’île avec lui. Une fois l’enfant couché, elle se connecte
sur internet :
“ Amelia Earhart”, cherche-t-elle. Disparue en cours de vol, dans l’Atlantique, en mer
probablement, en l’année 1937. Elle calcula… recalcule… Effectua plusieurs recherches et
lectures. Toute la soirée durant..
Elle finit par chasser toutes ces pensées, tous ses pourquoi. Puis s’installe enfin sur sa
terrasse, fauteuil confortable, cigarette allumée, les étoiles scintillent sans la pollution lumineuse
du continent. Demain, elle racontera à son fils comment son grand-père narguait les tempêtes,
affrontait les dangers de la mer. Comment il se repérait grâce aux étoiles. Autour d’elle,
bruissement léger de la mer, murmure du vent, silence de l’île, la nuit s’en va …
C’est la rivière qui me l’a dit
Non c’est la mésange messagère
Une vague est passée par là;
Le noroit a soufflé son nom
Et sur la coque du bateau
Un prénom s’est gravé.
J’ai G (avec le concours du nouveau petit Larousse illustré édition 1930)
Gare ta gabare mon gars, glapit le gabelou, pourtant généralement galant avec les galiciens.
Dans ton galetas là-bas près de la gloriette de la gynécée, tes gallinacées gringottent1 un galimatias
grotesque et gênent le général Gibbon, gisant sur son grabat, tel un gladiateur grec.
De plus on t’a vu te rincer le gosier au Gamay et galoper ensuite comme une gazelle gasconne dans
la garrigue, pendant que ton gramophone sur son guéridon de guingois grésillait du guttural
grégorien.
Le général te voue aux gémonies et même à la géhenne. Alors mets toi à genou, sans glapir ni
grommeler.
Ceci n’est pas un guet-apens, juste un grief envers les gueux trop en gueule.
Pendant le temps du châtiment en interlude…
Le géographe boit son grog au géranium en grondant le garde-barrière qui grille des grillons plein
de glucose, tandis que gicle le geyser de graisse gâchée par le garagiste, assis sur le garde-corps.
Au loin un gipsy givré se glace en une longue guirlande gondolante.
Le gars gracié (gratias deo), se glisse dans sa gandoura2, générosité de la garde-robe, il y griffe un
gardénia.
Il va gobichonner3 à gogo et gratis chez Gargantua ce gâte-sauce.
Glouton et gourmet il va se gaudir4 en se gavant de gelinotte en gelée, de gésier de gerboise, de
gruyère et de gorgonzola.
Et puis il accrochera au guidon de son vélo des grenades et des grenaches, pour aller glisser dans la
glycine avec Guillemette. Alors sous le girasol il laissera son goupillon gonfler et dans une grave
gravitation greffera sa grume à la gentille géode. Sans grandiloquence, il glorifiera le globe à venir.
Quand le goudron gercera, le gars à la gabare sans grimacer, rangera sa gousse en écoutant le
gazouillis générique de la grouse.
Hé ho halte là, ceci est à hue et à dia..
hahaha,
non vous vous trompez de porte,
la porte H est juste à droite en sortant de la page G
1 gazouiller
2 blouse
3 festoyer
4 Se réjouir