Françoise Macy

Une rencontre fortuite alors que nous résidions dans le calvados a transformé les années qui allaient la suivre. Un professeur de peinture, d’origine suisse à partagé son art des œufs décoré, art pratiqué couramment dans son pays ainsi que dans les pays nordiques.

J’apprends vite car tout me séduit : la matière, la forme, la symbolique. L’œuf est un mystère. Celui de la naissance, de la création. La découverte de cet art devient vite ma passion et je vais le pratiquer pendant 20 ans. Mon professeur repart dans son pays, et c’est seule que je continue l’aventure. Car c’est bien une aventure !

Peindre les choses est une chose, mais il faut avant tout se les procurer. C’est Pâques tous les mois pour la chasse aux œufs ! Il me faut faire des heures de route pour aller chercher mes œufs d’oie dans un couvoir en gironde. On me connaît, les cageots sont prêts quand j’arrive, remplis d’un centaine d’œufs à vider dans le jour qui suit, sinon l’odeur sera pestilentielle. Hé oui, il faut bien évidemment vider ces œufs qui n’ont pas été couvés, c’est la raison pour laquelle on me les donne. Percer un trou, (et la coquille est dure), aspirer le jaune avec un ustensile particulier, puis nettoyer l’intérieur avec une seringue emplie de javel, ensuite frotter, puis frotter afin que les œufs d’oie soient blancs comme la neige et prêts à peindre. Mes mains sont rouges et crevassées, mais une partie du travail est terminée. Leur coquille solide et granuleuse est agréable à travailler.
Mais il faut aussi courir les fermes, cette fois, pour les œufs de cane, mes préférés, à la coquille lisse et fine comme de l’opaline. Les œufs de caille, minuscules et délicats sont faciles à trouver dans les commerces, quant aux d’autruche, il faut les réserver dans les élevages. Les œufs de poule m’intéressent moins, sauf pour la teinte.

La matière première est là, la passion est là, dévorant les jours, parfois les nuits quand des commandes spécifiques s’invitent comme celles du sultan du Yémen ou de l’ambassadeur de France à Washington !

Lorsque la saison des salons d’art arrive, il faut essayer d’être sélectionné, et ce n’est pas toujours facile de convaincre………..Non l’œuf n’est pas fragile !!

Le salon, le lieu d’aboutissement du travail. Voilà ce que j’aime, comme un artiste qui entre en scène, expliquer au public cet art nordique, la technique, et plus encore, l’œuf dans la mythologie, sa symbolique. Partager sa passion, trouver les mots qui font vibrer, montrer un œuf d’émeu à la couleur vert bronze, celui d’un nandou qui tire vers le jaune, que peu de personnes connaisse.

Toutes les heures passées sont récompensées par ces moments intenses. Mes œufs de caille, fragiles miniatures peintes sont déposés dans des petites boîtes en bois assorties. Je travaille à l’acrylique, utilise la technique du gratté sur des œufs teints auparavant à la racine de garance, oignon, thé rouge etc…, je dessine à la mine de plomb. J’applique cette méthode sur les œufs de cane pour dessiner des enfants, qui essayent de s’évader de l’œuf ou restent prisonniers derrière des barreaux, et bien d’autres. On cherchera souvent une explication sur ces œufs particuliers, des « pourquoi » à mes dessins, il n’y aura jamais de « parce que », une part de moi restera volontairement dans l’ombre. Imaginer l’enfant au cœur de l’œuf.

Lors de mes expositions, mes œufs sont présentés sur une grosse souche d’arbre, en équilibre sur des anneaux ou des douilles d’ampoules. Equilibre précaire pour objets bien fragiles. Certains salons, sont installés sur un plancher bien flottant ou simplement quelques planches de bois instables et l’angoisse de la casse ne me quittera pas. Cela ne m’est jamais arrivé en 20 ans d’exposition.
Certains lieux, au contraire, sont magnifiques et l’artiste est au centre des préoccupations. Je me souviens tout particulièrement d’une demande que l’on m’avait faite d’exposer dans une ferme rénovée. Les organisateurs avaient disposé des bottes de paille, de vraies poules dans la cheminée transformée en poulailler (elles ont pondu chaque jour durant toute la semaine de l’exposition), un arbre décoré de plumes par les enfants du quartier. Pour le vernissage, ils avaient servi une omelette géante. Ce fut un beau moment.

Voilà comment une rencontre entre l’œuf a permis de connaître des personnes fabuleuses et de partager avec elle ma passion.
Je pourrais parler longtemps de l’œuf, l’œuf et la mythologie, l’œuf et la magie, l’œuf et l’eau, mais ce serait trop long. Une chose est sûre c’est que le symbolisme de l’œuf dans son état naturel s’est transmis à l’œuf décoratif, manifestation artistique et populaire, par la richesse de sa signification.

J’ai travaillé 20 ans avec lui comme compagnon, et si mes mains étaient moins malhabiles, je continuerais.

Cette tranche de ma vie restera l’une des plus belles expériences.

Françoise Macy

https://www.coollibri.com/bibliotheque-en-ligne/nicole-regnault/les-petites-boites-en-fer-blanc–copie_63154

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