
J’aime à ne rien faire, juste prendre le soleil, le sentir sur ma peau ce matin la marche sous la pluie, le visage recevant toute cette eau a été un pur bonheur
Étrange !
J’aime la solitude en tête à tête avec moi-même
J’ai le plaisir des rencontres, famille, amis
J’aime le silence autour de moi
Mais les décibels de musique me ravissent
Étrange !
Je traduis ma désespérance en poèmes
Et je chante ma joie dans des histoires loufoques
J’accepte mes 63 ans accrochés à mes rides
Et je colore mes cheveux blancs
Étrange !
Je vis sainement, mange fruits et légumes, fais du sport
Et le soir avachie sur mon canapé, une cigarette, tablette de chocolat finie
Je bois du café, je traîne ma paresse, je me dis «demain je ferai ça»
Cinq minutes plus tard, je tonds la pelouse après avoir mis le rôti à cuire, passé l’aspirateur, rempli la machine, donné à manger au chat…
Étrange !
Ma tenue préférée : ce vieux sweat et pantalon de jogging qui ne serre pas la taille
Parfois je mets des escarpins et du parfum pour tailler mes rosiers
J’ai des listes de contradictions
Toujours un côté pile un côté face
Et vous ?
Femme 63 ans – en formes – vit en couple – mère d’une fille – a le souci des autres – aime lire, écrire, écouter la musique, les balades bord de mer mais n’a rien contre les sous-bois – plutôt pantalon que robe – numéro 5 dans une fratrie aimante – aime écouter son père de 95 ans – comprend à peu près le breton du Léon. Cherche lecteur/lectrice indulgent.
Elle a passé trop de temps au soleil de midi, elle aura des marques son décolleté flétri va trancher avec la blancheur de ses larges épaules.
Qu’importe, elle aime la caresse ardente du soleil. Bientôt elle va rentrer dans la maison fraîche, les vieux murs n’ont pas encore emmagasiné la chaleur de ce printemps.
Elle prendra le temps d’une tisane, d’une cigarette. Puis elle s’installera à l’ordinateur. Vérifiera les mails, en espérant des nouvelles de ses sœurs de ses frères et surtout de sa fille.
Elle parle à son chat, son compagnon repose ses douleurs.
Puis elle s’inquiétera, la consigne demande de se présenter de dire qui elle est.
Elle se posera la question qui donc peut-elle intéresser ?
Elle sera lasse, son corps se tassera, elle aura mille ans.
Que préparera t-elle pour le repas du soir ? Tarte aux pommes, soupe, fromage…
Elle commencera à écrire : « Je suis née en 1957, à Plounevez Lochrist à la maison, je pesais plus de 5 kgs, j’ai deux frères et deux sœurs plus âgés, bientôt j’aurai trois autres sœurs et trois frères.
Mes grands parents vivent avec nous, des oncles et une vieille tante malade aussi.
Les tablées sont grandes. J’aime préparer les repas, j’aime aussi conduire le tracteur, accompagner mes frères dans les travaux des champs. On me prend parfois pour un garçon, je suis costaude.
Mon père nous coupe les cheveux, tout le monde le même modèle, un peu plus court pour les garçons. J’aime bien l’école mais je n’aime pas quand on doit passer au confessionnal dire ses péchés.
Mon enfance est heureuse et sans souci. Je veux faire des études mais je suis perdue dans la grande école. Je ne sais pas travailler. J’aime lire tout ce qui me tombe sous la main. J’écris dans un cahier des inspirations des livres lus. Je grandis je suis la plus grande des filles, bientôt plus grande que ma mère. »
Et elle s’arrêtera, elle pensera à sa mère, combien elle lui manque..
Et puis elle ira jusqu’au grenier, elle trouvera un vieux polar qu’elle a déjà lu mais qui fera l’affaire pour aujourd’hui.
Et elle retournera dans son jardin au soleil lire.
Lui viendra à l’esprit le travail oublié depuis combien de temps déjà, elle comptera, déjà 3 années de retraite. Trois années pour perdre l’habitude de la Mutualité Sociale Agricole à Landerneau.
Trois années au jour le jour sans objectif particulier. Et elle songera combien son travail de bénévole à la bibliothèque aura pris de son temps agréablement.
Elle entendra l’angélus sonner au clocher, elle se dépêchera de rentrer préparer le repas…