
Demain c’est la rentrée, et comme toute les veilles de rentrée on est là comme un dimanche soir à tourner en rond. Je me demande si la tenue que j’ai choisie est assez bien, si je vais réussir à me faire une amie au moins, si je ne vais pas tomber sur la seule classe où il n’y a que des cancres. Et puis j’arrive tant bien que mal à m’endormir jusqu’à ce fameux jour. Il est 7h10 et je me fais réveiller par ma mère avec une délicatesse hors pair :
« Margaux, faut te lever ton réveil n’a pas sonné c’est la rentrée aller hop hop !! «
Je finis par enfiler la tenue que j’avais préparée la veille, que je ne trouve plus du tout géniale pour un jour de rentrée. Je la trouve même « dégueulaasse » sur moi. Après 15 min dans mon placard, je trouve une petite robe fleurie cintrée à la taille avec une paire de converse. Je pars retrouver mon père dans le garage, pour qu’il m’emmène à mon premier jour au lycée.
Il me laisse à l’angle, et je me précipite devant l’entrée du lycée avec élan comme si j’étais pressée mais en fait je cherchais juste très vite un visage familier pour ne pas finir seule devant tous ses adolescents excités de rentrer dans la vie des grands.
Au lycée, on ne découvre pas seulement le premier amour, les premières soirées, son premier diplôme, mais on découvre aussi les dégâts que peuvent faire une satanée maladie, le manque d’un grand frère et les disputes incessantes des parents « en crise ». Si j’avais su, je me serais seulement mise en jogging à mon premier jour au lycée. J’ai aimé ces années lycées mais pas comme tout le monde l’imagine, ça non. Parce que oui grâce à mon pote Lizi le psy, je sais maintenant ce que j’aime comme parfum de glace.
Non parce que ce n’est pas de voir quelqu’un à 16 ans qui est le plus fou, c’est qu’il me demandait à chaque séance si j’aimais la glace à la pistache ou la glace à la vanille. Franchement, qu’est que j’en avais à foutre, moi je voulais surtout comprendre pourquoi je ne dormais pas, pourquoi ça faisait si mal de perdre un proche, pourquoi ma vie était si sombre. Et puis en plus je n’aimais pas la glace à la pistache, donc imaginez bien qu’il était compliqué pour moi de répondre à sa foutu question toutes les semaines.
J’ai et je ne comprendrais jamais les analyses de ces psys : ils sont tous aussi fous les uns que les autres. J’ai aimé ces années, parce que ces années nous construisent, nous font devenir ce qu’on est aujourd’hui. Ma mère m’a poussé à avoir mon bac, je me suis battue mais je l’ai obtenu. Parce que se plonger dans les bouquins pour connaître que « débit égal crédit » n’était vraiment pas une excitation. Surtout que je n’en avais rien à faire moi ce que je voulais c’était comprendre pourquoi la maladie avait emporté ma tante avec elle et que aucun bouquin ne me donnait la réponse. Toutes les semaines, mon pote le plus fidèle, mon psy me donnait rendez-vous après les cours. Chaque semaine il introduisait sa feuille A4 en écrivant la date et mon état d’esprit du jour.
« Alors Margaux comment vous allez-vous aujourd’hui ? «
Je n’ai jamais compris cette question de psy, sans rire tu t’attends qu’un jour on vienne te voir et qu’on te réponde : aujourd’hui je vais super bien, la vie est belle. Mais mon pote si c’était le cas tu n’aurais plus de travail. Du coup toutes les semaines, j’avais toujours la même réponse et le même tarif à la fin de la séance. Je me demande si le tarif est le même quand on va voir son psy pour lui dire putain aujourd’hui je suis trop bien, tout va bien dans le meilleur des mondes. En tout cas, je peux vous dire qu’il m’a vu revenir, j’étais sa plus fidèle cliente. Mon dossier devait faire la taille d’un dictionnaire. C’est trop dommage qu’il ne fasse pas de carte de fidélité ses psy, j’aurais pu me réjouir au moins d’aller à ma séance hebdomadaire. Je l’ai vu pour la première fois pour mes problèmes alimentaires, puis à cause de la glace à la pistache et on ne s’est pas lâché. J’avais l’impression d’attirer la noirceur du monde autour de moi, j’ai compris seulement plus tard que c’est parce que j’en avais peur. J’ai l’ai goûté cette glace à la pistache et puis j’ai compris. En revenant la semaine d’après, je lui ai bien fait
comprendre que c’était « dégueulaaasse ». Il n’a plus fait allusion a cette foutue glace, sur sa feuille il l’a barrée. Et puis, j’ai commencé à gouter à la vie, mais je ne l’aimais pas tout le temps. C’était injuste, j’imaginais que le monde allait s’ouvrir à moi. Il s’ouvre seulement quand on n’est prêt. J’ai eu droit aux questions que l’on pose aux fous dans les films : « pourquoi tu veux plus faire partie de ce monde ? ». Parce que ce monde est injuste et corrompu. Quand j’étais cette ado, je ne m’aimais pas, j’avais l’impression que personne ne m’aimait. J’estimais que ce monde n’était pas fait pour moi dans ce cas. A vrai dire, je ne m’aime toujours pas, mais je crois avoir trouvé mon monde, enfin je le construis petit à petit. Après avoir compris que cette noirceur m’apprenait à vivre, je m’interdisais d’être faible face à ce monde. Chaque épreuve de la vie nous rend plus fort. Chaque Au revoir, m’a appris à vivre. Alors oui j’ai découvert la douleur, le manque, la persévérance, la force. Parce que franchement on ne m’a vraiment pas épargné. Mais j’ai continué d’avancer, mes parents par contre eux n’avaient plus cette force de le faire main dans la main.
L’année de mes 18 ans, ils m’annoncent leur séparation. Voilà comment l’univers a décidé de m’apprendre la vie d’une jeune fille majeure. Mon père est devenu un fantôme pendant des semaines et ma mère m’accordait 1h à table sans parler. Mon frère était parti réaliser son rêve américain, pas de refuge de grand-frère pour moi. Par chance, l’univers me donne un coup de pouce quand même…parfois il lui arrive d’être cool. J’embarque pour ma ville natale Toulon pour débuter ma première année d’étude supérieure. J’aimais vraiment cette ville, la fraîcheur, la nouveauté, une nouvelle vie à construire.
J’ai eu droit au girls gang qu’on adore dans les séries américaines comme dans gossip girls. Une année de pure folie, l’université c’est comme notre premier voyage. Je vous parle pas du tout des amphithéâtres tous les matins à 150 élèves venus d’un peu partout. C’était tout de même agréable la première fois comme sensation. Mais plus sérieusement, je vous parle des liens qui se créent, des soirées de folies, du premier 10m2 à soi et des activités.
Je suis revenue dans la ville où je suis née, mais je ne connaissais malgré tout personne. J’ai repris le volley-ball grâce à l’université. Ainsi le premier jeudi soir d’entraînement je suis arrivée dans la salle et je croisais les doigts pour ne pas être la fille qu’on choisit en dernier. Par chance, on est venu me voir pour me proposer d’aller dans une équipe. Un groupe de 3 garçons, Thomas, Vincent & Alexandre.
On a développé une équipe de choc et on se retrouvait tous les jeudi soir pour jouer. En plus, on n’était vraiment pas mauvais, on s’éclatait. Alexandre était marrant, beau, grand, yeux bleus tout ce que j’aime quoi. Une drôle de relation s’est installée entre nous, j’étais en couple et lui aussi. Un couple qui battait de l’aile pour lui et moi à des kilomètres de mon amoureux Valentin. De jour en jour, il prenait une place dans ma vie de plus en plus importante. Je connaissais que très peu ma ville de naissance, je me perdais très facilement dans le coin : Cuers, la Farlède. Il venait à mon secours à chaque fois, à croire qu’il avait le pied sur l’accélérateur. On passait tous nos jeudis soir ensemble jusqu’à 5h du matin, parce qu’on finissait par s’endormir. Il me raccompagnait ni vu ni connu, et je me préparais pour les cours. Par pur coïncidence, l’une de mes amies à l’université était en couple avec son cousin. Tous les midis, on se racontait nos petites histoires de filles. Alexandre a fini par être mis sur le tapis, et Aurélie m’a un peu mise en garde à son sujet. Elle disait de lui qu’il parlait à beaucoup de filles pour échapper à sa relation actuelle. Pour moi au fond, je le voyais comme un très bon ami uniquement. Sa relation à lui avec sa chérie s’est arrêté et à partir de ce moment nos rapports sont devenus ambiguës.
C’était un jeudi soir comme les autres, dans son petit appartement en haut de sa maison qu’il squattait. On se taquinait, on jouait et d’un bisou sur la joue, on a dérapé. On s’est embrassé
langoureusement. On dit souvent que les meilleures relations se créent par des imprévus. On n’avait vraiment pas prévu de tomber amoureux, c’est arrivée. Et tout s’est enchaîné si vite. Je suis allée à Lille pour quitter Valentin et vivre pleinement mon histoire avec Alexandre. Un amour incommensurable, si puissant que chaque seconde loin de l’autre était une seconde perdue. J’ai eu mon premier chez moi, mon 10m2 à moi ou plutôt à nous. Un soir il était 22h j’entends frapper à ma porte, c’était lui habillé d’un jogging bleu foncé et d’un tee-shirt bien froissé. Il sortait par la fenêtre de sa chambre et me rejoignait toutes les nuits. On se couchait dans les bras l’un de l’autre. Après une année inoubliable, la réalité a refait surface. Évidemment, je n’ai pas validé mon année en DUT GEA, mais ce n’était pas vraiment une grande surprise. Plus sérieusement, il fallait que je me concentre et j’ai donc pris une décision lourde de sens. Je suis repartie chez moi à Cannes, pour reprendre mes études : un BTS Comptabilité en alternance. On allait être séparés, tout allait être chambouler. La distance prenait à nouveau une place dans ma relation amoureuse. Une douleur si intense et bouleversante comme un gros coup de poing dans le ventre. Une adaptation assez difficile, mais chaque retrouvaille n’était que meilleure. Le manque ne disparaît pas, on apprend juste à vivre avec. On a su profité de chaque instant comme si c’était le dernier, nos week-ends escapades, les maths de foot ou de rugby, les concerts, nos premières vacances en Corse, le saut en parachute. J’ai appris à vivre pleinement avec Alex. Mais la distance ne crée pas seulement le manque mais aussi la possessivité, la jalousie. Dépasser ces épreuves nous a rendu plus fort.
Lors de ma première année, j’ai perdu mon deuxième grand-père, le départ d’un grand homme, un pilier dans ma vie. Même si la vie parfois représente un grand péril, chaque épreuve m’a aidé à progresser et à me dépasser. Mon grand-père m’a appris que chaque instant mérite qu’on puisse l’apprécier pour chaque personne qu’on voit partir. Je me suis alors surpassée et j’ai travaillé d’arrache-pied pour ce diplôme. Après que la vie m’ait convaincu, que rien n’est chose simple. Après 2 ans d’études ardues, j’ai finalement obtenu mon diplôme de brevet de technicien supérieur en comptabilité.
J’ai rejoint Alexandre pour terminer mes études, mais rien ne s’est passé comme j’avais prévu. Il n’était pas prêt à emménager avec moi et les études de gestion ne me plaisaient pas. Alors retour à la case départ, à me chercher un avenir qui me rendrait heureuse. De nouveau à Cannes, loin d’Alex je me consacre à moi-même et ce que je veux faire pour m’épanouir.
J’ai eu de nombreuses expériences en tant que conseillère de vente plus intéressantes les unes que les autres. Elles m’ont permis de prendre confiance en moi et d’élaborer un projet qui me tenait à cœur. C’est-à-dire partir en mission humanitaire. Et voilà que 6 mois plus tard, je pars pour 1 mois de mission en Afrique. Une aventure qui change une vie, être plus riche en revenant, accepter de repousser ses limites et constater qu’on en est capable. Cet échange humain indéfinissable, ces visages et regards que je n’oublierais jamais.
Aujourd’hui, fraîchement rentrée de ce voyage je me cherche toujours mais en me connaissant mieux que personne. Je suis ouverte au monde, et prête à en découdre pour m’épanouir.
Je m’appelle Margaux Vola, j’ai 22 ans et mon passé fait ce que je suis aujourd’hui.
Margaux Vola