Le peuple des abeilles
Peuple des abeilles, écoutez-moi ! Notre vie est un sacerdoce. Mais nous sommes à
l’origine de bien des éclosions : sans nous, nulle pollinisation des plantes. Bien
qu’indispensables, nous ne sommes pas indestructibles. Dans de nombreux endroits du
globe, les pesticides nous menacent. Agriculture intensive, habitat anéanti, climat
changeant. Combien de temps avant la disparition de notre espèce ? Un an, une
décennie, un siècle, plus ?
Nous, les démiurges infatigables, voyageant de corolle en corolle, nous fécondons les
fleurs : les résidentes des prés, champs et jardins nous sont reconnaissantes.
L’effondrement de nos colonies serait comme un cataclysme pour la nature. Je ne me
plains pas, mais…
En tant qu’ouvrière, je pointe régulièrement à l’entrée de la ruche. Effectuer le ménage et
l’entretien des rayons, les sculpter. Pff… Produire la gelée royale puis le miel, nourrir les
larves, les faux bourdons et la reine. Aérer. Protéger la ruche des intrus, des plus petits
comme les frelons ou les araignées jusqu’aux plus gros, les piverts, les souris ou même
les ours. Tout cela malgré le vent qui s’engouffre entre mes ailes et les risques d’averse.
Butiner des fleurs, butiner des heures et butiner toujours. Mes amies, altières
subordonnées, vous craignez d’être remplacées un jour par des machines de
pollinisation ! Ce serait la fin de notre civilisation.
Ô, peuple des abeilles, puissions-nous renaître !
Et avec nous, les autres insectes. L’issue n’est ni certaine ni inexorable. Battons-nous,
pour éviter qu’au lieu d’un avenir mielleux, se profile un futur fielleux. La grève est
reconduite.
Isabelle, le 25 janvier 2021