Vivons heureux. Par Yves Thomazo

Vivons heureux.

En cette fin d’année 2020, la situation sanitaire de la planète est devenue ingérable : la Covid 19, puisqu’il faut l’appeler par son nom, a répandu son mal dans toutes les couches de la population. Ce mal est profond : ceux qui ne sont pas touchés dans leur corps, le sont dans leur tête. Une ambiance anxiogène s’est généralisée, faite de violences, de rebellions et de dépressions.

« Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés » avaient constaté les autorités gouvernementales, plagiant Jean de la Fontaine dans « Les animaux malades de la peste ».

Quel remède  ?

– Les vaccins arrivent d’outre-Atlantique ! avait-on annoncé dans les sphères autorisées, comme on aurait chanté la Victoire. Il s’agissait de redonner le sourire aux populations qui camouflaient leurs rictus, tendus comme des arcs et figés comme la glace, depuis trop longtemps derrière leurs masques.

– Qu’à cela ne tienne ! avaient rétorqué les « antivaxx », nous menacerons tous les médecins, infirmiers et infirmières qui se compromettront dans cette pratique  liberticide et dangereuse !

Alors quoi faire pour retrouver le sourire, dans la joie de vivre et la bonne humeur ?

J’avais bien reçu la consigne pour l’atelier d’écriture de la semaine qui consistait à inventer une histoire drôle, mais plus les contributions de mes camarades d’écriture s’amoncelaient dans ma boîte à mails, plus je mesurais la difficulté de la tâche et plus je stressais. Et plus les traits d’humour abandonnaient mon esprit.

Mais quelle idée de nous infliger une telle punition ? Pensai-je. Peut on rire de tout ?

En quête d’inspiration, j’avais consciencieusement consulté dans ma bibliothèque la bibliographie de mon maître es-humour (grinçant!) Pierre Desproges et tombai sur l’ ouvrage « Vivons heureux en attendant la mort ». (Edition du Seuil) (39 francs, pour Xavier).

Ah ! c’est donc bien cela la consigne, Trouver de l’humour dans la désespérance du chaos ambiant ?

Il fallait une dose de froide insolence et une perversité assumée pour proposer un exercice aussi retors.

Merci Catherine.

Non, non, et non décidai-je. Non, je n’écrirai pas cette semaine !

…A moins que quelques verres d’un breuvage approprié ne ramollisse la rigueur engourdie de mes principes…,

…A moins que quelque substance hallucinogène ne m’aide à colorer la grisaille des pensées mélancoliques qu’alimentent encore le sujet…

Henri, un voisin avec lequel je « philosophais » goulûment sur ces solutions alternatives, à distance réglementaire, rassurez vous ! me déconseilla, d’emblée, le « yoga du rire ». Son épouse s’y est inscrite en télé-séances.

-C’est devenu infernal à la maison ! Elle rigole à longueur de journées et parfois de la nuit et c’en est insupportable. Parfois j’ai des envies de meurtre, alla t il jusqu’à me confier en débouchant la deuxième bouteille.

Évidemment, avec de tels arguments, Henri me convainquit aisément de ne pas tenter le yoga du rire. En revanche, il me « brancha » sur la télévision : il y avait, soit-disant, des programmes de jeux télévisuels passionnants et hilarants ! Et comme c’est son amie Solange D qui le lui avait indiqué, je pouvais donc lui faire une confiance aveugle .

Le conseil tomba cependant mal à propos ! Victime de mélancolie sévère, j’ ai, sur les conseils de mon »psy », revendu mon « poste » depuis belle lurette, c’est à dire depuis que les informations déversent leur flux ininterrompu de catastrophes, de fake news et d’idées complotistes. C’était en …. ou peut être avant encore.

– Ben, ça alors ? me fit-il, perplexe à l’idée qu’en 2020 on puisse se passer de téléviseur. Essaye les mots croisés ou les Sudokus du journal peut-être !

-Pas mieux, lui répondis-je. Pour les mêmes raisons, j’ai dû cesser mon abonnement au Quotidien.

Constatant que le mal s’était définitivement agrippé à mes neurones, il convint, avec moi, que j’avais probablement raison sur l’analyse catastrophique de la situation. Ou c’est peut être qu’il ne voulait pas risquer de compromettre l’issue de notre fructueuse réflexion en me contrariant. Va savoir ?

– C’est vrai que la situation est très difficile, enchaina-t-il, tout en décrochant une troisième bouteille de ce si délicat 13,5 degrés d’Algérie, légèrement fruité. Quel triste Noël allons nous vivre !

Puis, dans un éclat de rire irrépressible, il me raconta l’histoire « belge » , donc forcément véridique selon lui, puisqu’entendue à la télé, du Noël 2020 et du Nouvel an 2021, tels qu’ils seront réglementés en terres wallonnes !

Là bas, chaque couple ne pourra recevoir qu’un invité. Ou deux, si le repas est servi au jardin. Dans ce dernier cas, l’accès aux toilettes sera interdit aux visiteurs. Dans toutes les éventualités, l’heure du couvre-feu sera maintenue à 22 heures et il précisa que des sanctions seront distribuées à tout contrevenant : 250 € par invité et 750 € pour les propriétaires.

– Ça en fait des casiers de champagne, conclut-il !

Nous n’en finissions pas de pouffer en replaçant approximativement nos masques. Jusqu’à ce que son épouse vint s’enquérir des raisons qui nous faisaient rire aussi bruyamment.

Tout ceci m’indiqua qu’il était temps pour moi d’aller écrire mon histoire, au prétexte que je serai certainement le dernier de la classe !

-Attends donc un peu, Youn, t’es pas aux pièces, quand même ! me dit Henri. Tu prendras bien

«  un petit dernier » … pour la route !

Yves le 10 12 2020

Un commentaire

  1. alors là, Chapeau!!! come pince sans rire tu te poses là!!! J’adore cet humour, bravo, parler sans rire de cette période si anxiogène, tout en faisant rire, excellent…bizzz (puisque par mail c’est encore autorisé!

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