PETIT LOUIS
Chevelure et barbe hirsutes, Petit Louis habitait sous une roche entourée de houx piquants. Ses yeux bleus voyaient tout, ils étaient immenses. Ses oreilles entendaient tout, elles étaient longues et pointues. La première lueur du jour annonçait au petit homme le moment précis de sortir. Il parcourait alors le bois jusqu’au village où attendaient, penauds, des enfants dénoncés par des parents réclamant un châtiment. Ce matin-là l’obscurité demeura complète.
Inquiet, Petit Louis jeta vers dehors le bleu perçant de ses yeux qui heurta une forme brune cabossée, striée de labyrinthes… Un énorme noyau d’abricot obstruait sa cachette.
Déboussolé, il se demanda quel géant avait jeté là cette montagne. Se gratter la tête, secouer sa barbe s’avéra inefficace. Rester là, caché ?
Ne pas accomplir sa tâche le tourmentait, se débarrasser du costume de bourreau le tentait…
Comment déplacer la montagne ? Réfléchir, se calmer.
La gaule, bien sûr ! Et puis le sifflet !
Un jet puissant et strident sortit du sifflet et déplaça légèrement le noyau d’abricot.
De sa main libre Petit Louis poussa sur la masse brune à l’aide de la perche…
Encore un coup de sifflet, plus fort… La boule roula, roula, dans les herbes sèches.
Effondré par l’effort le petit homme pleura doucement. Enfin il se redressa, essuya sa barbe mouillée de larmes. Renoncer à sa mission de bourreau, ne plus effrayer les enfants victimes de parents préférant la fessée à la caresse, devint une évidence.
Il se dirigea vers le noyau à qui la gaule et le sifflet assignèrent une place.
Il s’éleva un arbre.
Au printemps un nuage blanc parfumé ombre la roche plate. L’été, l’arbre ploie sous une multitude de ballons orange doux comme le velours. Petit Louis passe désormais ses journées sous la protection d’une ramure généreuse. Des enfants sages l’entourent et mangent les rêves qu’il leur livre.
Régine