L’Andouille qui voulait voyager par Viviane

L’Andouille qui voulait voyager,

Corentin, numéro un de l’espionnage agroalimentaire, quitta son domicile à huit heures du matin à vélo. Il avait prévu de voir cinq clients mais, la veille il avait eu une discussion avec Madame Jambon directrice de Breizh-Charcuterie. Il aurait une sixième personne à visiter, Jeanne. Jeanne cuisinait une andouille fumée inégalée.

– Corentin tu dois absolument obtenir sa recette, trouve un moyen, tu as carte blanche. C’est extrêmement important pour relancer nos affaires. Je me rends au Japon dans deux semaines pour notre contrat de l’année. Si tu réussis, tu me rejoindras là-bas.

– Ce ne sera pas une partie facile, se dit-il.

-Comme tu le sais, Yakuma recherche toujours de nouveaux produits, il nous presse. Je compte sur toi Corentin, n’oublie pas ton surnom.

Il arriva en fin d’après-midi, chez Jeanne à Ty Guen. Il aperçut au loin quatre enfants qui jouaient au ballon devant la maison. Comme dans un film au ralenti, Pauline lança le ballon d’un coup sec, il monta très haut, descendit en courbe, effectua un superbe lobe, rata le but et atterrit sous la roue de Corentin. A cet instant, Corentin faisait un signe à Jeanne qui sortait de sa maison.

Il écrasa le ballon, fut projeté par-dessus le guidon et tomba dans le fossé parmi les ronces et les orties. Corentin avait un peu forcé sur le lambic, de client en client, pour se donner du courage. En un mot il était sou, mais lucide. Jeanne se précipita, elle l’aida à se relever. Il avait l’air mal en point. Elle le connaissait, il venait régulièrement la voir. Affolée à l’idée qu’il soit sérieusement blessé, elle se dépêcha de le faire entrer afin de le soigner. Elle n’aimait pas trop l’individu dont elle se méfiait.

– Corentin t’as encore bu !

Corentin était furieux et vexé mais, il retrouva son sang-froid en apercevant dix belles grosses andouilles, bien fumées, à point, qui pendaient dans l’âtre de la grande cheminée. L’odeur qu’il détestait lui chatouillait désagréablement les narines. La situation se présente bien pour mon affaire, se dit-il.

– Installe-toi Corentin je vais chercher de quoi te soigner.

Une opportunité pareille ne se représenterait pas. En espion avisé- on ne l’appelait pas Corentin 007 pour rien- il en profita pour décrocher une andouille et la glissa dans la grande poche intérieure de son manteau. Quand Jeanne revint, Il s’était rassis, et se laissa panser.

– Oh Jeanne j’ai encore fait l’andouille !

– Ah oui ! Avec ce que tu as bu tu fais une belle andouille fumée.

– Les soins terminés, Corentin fit une révérence avec son chapeau et quitta Jeanne avec un grand sourire.

– Merci braz Jeanne « lar on dor ma anduilh don maez dan ty » en patois phonétique.

Pour ceux qui n’aurait pas la chance de parler breton : – Merci beaucoup Jeanne, c’est l’andouille qui quitte la maison.

Jeanne rit de bon cœur en le voyant partir, soulagée de s’en tirer à si bon compte. Sans se presser, Corentin reprit son vélo.

– A nous Yakuma ! J’ai mon passeport pour le Japon, exulta-t’il. J’en profiterai pour aller voir ma soeur Madeleine à Paris.

C’était la première fois qu’il prenait le métro, devant lui une femme à l’allure très parisienne se présentait au guichet.

– Madeleine Bastille. Le guichetier lui remis un ticket.

A son tour, Corentin annonça fièrement.

– Corentin Jézequel.

Il n’était pas près d’oublier les éclats de rire qui retentirent autour de lui.

Il arriva à la succursale de Yakuma à Tokyo en compagnie de sa patronne. Il déposa l’andouille sur son bureau comme un trésor. Il avait pris soin de la mettre sous vide, pour éviter les chiens renifleurs à la douane. Yakuma sourit, coupa une tranche de l’andouille et savoura avec plaisir la finesse et l’arôme de ce nouveau produit, on aurait pu entendre une mouche voler.

– Comment avez-vous fait pour obtenir cette andouille ?

Avec aplomb Corentin répondit;

– A partir d’une recette ancestrale bretonne nous avons affiné et adapté le produit pour vous.

Le lendemain il se présenta à l’agence de voyage Franco-Japonaise pour modifier son billet de retour ainsi que celui de Madame Jambon.

– Cette fois se dit Corentin c’est moi qui vais m’amuser, ils se sont bien fichus de moi à la station de métro à Paris.

– Deux allers pour Guémené. S’il vous plait.

– Guémené-sur-Scorff où Guémené- Penfao ? demanda la jeune femme -qui revenait d’un voyage culturel au centre Bretagne- à Corentin médusé.

C’est ainsi ici que Breizh Charcuterie fit l’andouille de génération en génération.

Viviane le 08 12 2020

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