D le 18.06.20 Un vendeur aux facettes multiples
Pourquoi cet attrait pour des abricots chers ? Pourquoi pas des bananes, car c’est toujours la saison ? Pourquoi vante-t-il ses produits comme meilleurs ? Vend-il autre choses que des fruits ? Le bigarreau peut-il être une petite madeleine ? Procède-t-il différemment avec d’autres ? Comment reconnait-il la personne qui rêve des bigarreaux de son enfance ? Un point commun entre la chaussette et les fruits ? Pourquoi toutes ces identités ? Aurait-il dérobé l’identité de macchabées ? Une connaissance des femmes du premier coup d’œil … bizarre ? Jamais de chèques, un homme sans traces, sans compte en banque ? Un rêve ? L’homme invisible ? Où peut-il vivre ? Avec qui passe-t-il l’hiver ? Qui pourrait partager sa vie ? Un château en Espagne ? Pourquoi ? Origine espagnole, autre vie dans ce pays voisin ? |
C’est l’histoire d’un homme qui vendait très cher des abricots durs, profitant de l’envie des acheteurs pour les premiers fruits d’été. Il réussissait à tout écouler dans sa matinée. « Légèrement » filou, il trouvait les meilleurs plans afin d’acheter à très bas prix ces petits fruits à joue rose, ces pendants d’oreille un peu trop mûrs. Il avait tenté la banane, mais la banane c’est si banal ; quant aux fraises des bois, il lui était difficile de s’en procurer. Il possédait cette façon d’attirer la clientèle, de la rabattre vers ses abricots tout en douceur, presque en murmurant, dénigrant ces points de vente que sont devenus les supermarchés … Pourtant ses fruits n’étaient ni de meilleure, ni de moindre qualité que ceux des grandes surfaces. S’il les avait produits et vendus directement, sans intermédiaire, ç’eût été différent, car il aurait pu insister sur le « local, de saison »… bla bla, bla. Mais il restait le revendeur X ; toutefois, à observer le chaland, il savait faire vibrer la corde sensible de celui-ci : tel ou tel fruit serait-il une madeleine, un souvenir d’enfance, une histoire d’amour pour l’acheteur ? Par exemple, parlant à Joëlle de myrtilles sauvages cueillies à la main, celle-ci craquerait … Un chaland, attiré par les « bigarreaux de son enfance » se laissa séduire et en acheta deux kilos… Il revoyait les fruits mûrs, le cerisier, les pendants d’oreille, le jus dégoulinant … Le soir, fier de son achat, il prépara sa corbeille de fruits, pourris hélas … Il décida de retrouver le vendeur … Le revendeur possédait plusieurs cordes à son arc, car le mardi, c’était « fruits » dans une camionnette blanche, le jeudi il vendait des chaussettes en nylon dans un van noir et le dimanche, Ah, le dimanche, vêtu tel un pacha, au volant d’une voiture rutilante tractant une longue remorque, il apparaissait sur le marché d’une ville un peu lointaine avec un stock de sous-vêtements en interlock, style « Marie caleçon rose ». Sa petite touche, son petit plus : après un rapide coup d’œil aux femmes, il pouvait évaluer la taille des bonnets de soutien-gorge sans se tromper, donner le tour de taille à un centimètre près … les femmes se pâmaient, elles succombaient à son sourire charmeur et repartaient le cabas débordant de poireaux, mais aussi de culottes rose, « made in France » ! Sa saison ne commençait qu’à l’apparition des premières cerises, des premiers abricots … Pêches, brugnons et autres nectarines suivaient … Sa saison s’achevait aux dernières grappes de raisin … Puis il devait compter et recompter ses billets, jamais de chèques, attendant d’avoir amassé suffisamment pour son rêve le plus secret, disaient les rares personnes à qui il avait fait quelque confidence. Revenons à notre acheteur de bigarreaux blets … Il ne risque pas de retrouver le vendeur de fruits, car celui-ci, bien malin, circule de marché en marché sur toute la saison, jamais ne réapparaissant en revendeur de fruits ! Après avoir interrogé ses voisins de stand la semaine suivante, personne n’avait paru le reconnaitre, il semblait n’avoir jamais existé. Etait-ce un rêve ??? Il procède de la même façon pour les chaussettes en nylon, avec fausse moustache … Pour les culottes en interlock, garanties deux ans, il se permet plusieurs apparitions au même endroit, mais avec perruque blonde, on ne sait jamais… Trois identités pour un seul homme, trois noms différents … Quel tableau mystérieux ! L’acheteur se gratte la tête, perplexe. On pourrait imaginer un ours solitaire, vivant caché dans sa tanière durant la saison froide, ne sortant qu’aux beaux jours. Sans doute possédait-il une propriété dans un hameau reculé, avec des dépendances pour les différentes autos, ou peut-être un sous-sol camouflé sous des buissons touffus dissimulant les vans ? Sans doute des chiens à canines longues et acérées gardaient l’endroit … Peut-être même un boa constrictor ; mais une femme, sauf séquestrée, c’était peu envisageable… Un jour il aurait parlé de « château en Espagne » … Un rêve, une réalité ? Joëlle 19.06.20 |