Les bigarreaux

Texte du 15 juin 2020 Viviane
Les bigarreaux:
A son réveil, Augustin entend une annonce à la radio qui fait l’éloge des délicieux abricots
Bergeron que Lidl propose à un prix défiant toute concurrence.
– Évidemment, des fruits traités et poussés à maturité par des engrais chimiques, dit-il tout haut.
Un frisson le parcourt en pensant à son père qui a dû être à nouveau hospitalisé, pour une grave
maladie dû à l’alimentation, alors qu’il n’a jamais fait d’excès.
-Vite, je ne peux me laisser envahir par ces pensées tristes. Je dois préparer le repas de dimanche
pour mes amis.
– J’adore bien manger, c’est mon péché mignon, songe t’il.
– j’ai prévu un sauté de veau avec des pommes de terre fricassées et une charlotte aux abricots
accompagnée d’une crème anglaise, à condition de trouver de bons fruits au marché.
Je vais certainement en trouver chez le marchand Basile. Ses produits sont toujours excellents et
j’avoue que j’aimerais revoir sa fille.
A ses yeux Justine est la plus adorable des filles qu’il connaît, elle le charme de ses grands yeux
bleus, son sourire éclatant et sa bonne humeur.
– Elle est formidable, c’est la meilleure vendeuse du marché, elle a vraiment un sens du commerce
incroyable et n’a pas son pareil pour attirer le client, se dit-il le sourire aux lèvres.
– J’ai presque terminé ma mission chez mes deux principaux clients, tout le personnel maîtrise les
nouveaux ordinateurs à la BTP Propac et le patron est satisfait.
Quant au groupe Agroalimentaire, j’ai fini de sécuriser les systèmes, l’entreprise n’a rien à craindre
des piratages.
Dorénavant, je vais pouvoir consacrer du temps à mes recherches sur la santé en toute tranquillité.
Je dois avancer au plus vite, je l’ai promis à mon père et le groupe qui me soutient commence à
s’impatienter.
Je vais leur présenter les premières avancées, sans rien dévoiler sur l’appareil que je suis en train de
tester et qui devrait faire avancer la prévention. C’est encore trop tôt. Il y a tellement d’intérêt en
jeu !
Augustin est un garçon discret, mince pour ne pas dire gringalet, qui ne prête guère attention à son
physique. Il porte des lunettes à monture noire qui lui donne un air sérieux et mettent en valeur ses
yeux marrons pailletés de points lumineux.
Ses cheveux sont souvent un peu longs et une grande mèche lui couvre en partie son front très large,
il y passe la main dès qu’il est mal à l’aise ou préoccupé. Quand il n’est pas devant son ordinateur, il
a l’air un peu rêveur, dans la lune, touchant de simplicité.
Il avale son petit déjeuner à la va vite, il se rend à la cale pour prendre le bateau passeur.
– Cette promenade est un enchantement, je ne m’en lasse pas quel que soit le temps, et à cette heure
matinale, il y a encore peu de monde.
Augustin embarque pour une traversée du chenal de 4 min. Il entend une corne de brume qui
annonce un gros bateau.
– Tiens, le chalutier sur lequel travaille Henri rentre de sa pêche.
Il continue son chemin, traverse en sifflotant la ville fortifiée qui le mène directement sur la place
du marché face au beffroi.
Augustin avance d’un pas décidé dans les allées étroites, il s’arrête acheter un pot de miel, quelques
légumes au maraîcher bio de Bannalec, du fromage, des crêpes toutes chaudes et poursuit sa route
vers l’emplacement de Basile qu’il a rencontré les semaines précédentes.
Cette fois se dit Augustin il devrait avoir les fruits de saison. Dès son arrivée il s’étonne, ce n’est pas
le marchand habituel, mais un remplaçant probablement. Il a gardé sa tenue des champs –salopette,
veste verte foncée en toile épaisse un peu sale et une casquette usée qui lui couvre le front.
– Bonjour, Basile n’est pas là aujourd’hui ?
– Non, je le remplace.
– Vous êtes seul ? Vous allez avoir beaucoup de travail.
– Oui, ne vous inquiétez pas pour moi, je saurai me débrouiller, dit-il d’un ton sec.
Augustin essaye de ne pas montrer sa déception, il n’ose pas demander des nouvelles de Justine. Il
jette un oeil aux abricots, goûte quelques morceaux présentés dans une coupelle et savoure la chair
moelleuse et juteuse.
– Hum ils sont succulents, mettez moi 2 kg s’il vous plaît.
Il s’étonne du prix, mais cette variété du Roussillon est sa préférée.
Le marchand lui vante les produits de son étal :
– Ils sont bien meilleurs que ceux vendus dans les grandes surfaces. Goûtez moi ses cerises, vous
m’en direz des nouvelles.
Augustin est emporté très loin par la saveur, le goût, qui enchante son palais et lui rappelle les
cerises qu’il dégustait enfant, au pied du grand cerisier de sa grand-mère.
– Je vous les vends moins cher que le prix coûtant.
Il se laisse tenter par le souvenir de ce parfum inoubliable.
Arrivé chez lui, il met rapidement les fruits dans une grande coupe.
– Je préparerai plus tard une compote d’abricot pour le gâteau.
Le lendemain il se rend compte que les fruits sont tous abîmés presque pourris pour certains d’entre
eux. Ils sont immangeables. Il décide de retourner voir immédiatement le marchand. Le samedi
matin il le trouvera au village d’à côté qui n’est pas très loin de chez lui.
-Il va me les remplacer, se dit-il
Habituellement il est en face du porche de l’église, l’emplacement est bien visible, mais il ne le
trouve pas. Perplexe il fait le tour du marché mais en vain.
Il revient interroge le voisin le plus proche, qui vend de très bon fromage, c’est un vieil habitué.
– Il aurait dû être là, mais sa place a été attribuée à un volant.
– Je ne comprends pas, hier déjà il n’était pas à Concarneau, un homme que je n’avais jamais vu le
remplaçait.
– C’est étrange, c’est la première fois qu’il est absent depuis qu’il vient.
– Savez- vous où est se trouve sa ferme ?
– Il me semble que c’est dans la région de Pleuven, il s’appelle Basile Oreillon.
Augustin s’étonnait soudain de ne rien connaître de Basile, il n’avait jamais vu de panneau
indiquant l’origine de la ferme, et il ne donnait pas de ticket de caisse.
Contrairement à d’autres commerçants du marché, qui s’étaient équipés de terminaux de paiement
en ligne, il n’acceptait que du liquide et quelquefois les chèques des habitués.
Augustin, pourtant de naturel effacé, insiste, mais personne ne sait qui est Basile.
En d’autres circonstances, il aurait fait des recherches sur internet, en fouillant les réseaux, et les
contacts, il aurait certainement trouvé une trace. Mais là il n’avait aucun moyen de recherche.
-Il avait consulté tout de suite son I Phone et n’avait trouvé aucune ferme, aucun maraîcher du nom
Oreillon à l’horizon, dans le secteur de Pleuven.
En les entendant un marchand voisin les rejoignit.
– Je ne connais pas grand-chose de lui. Il parle beaucoup, c’est vrai mais de son travail, de la pluie et
du beau temps, mais il ne dévoile jamais sa vie privé. Sa fille Justine est aussi très discrète. Elle ne
parle jamais de sa mère.
– C’est un excellent bonimenteur et sa fille sait attirer le chaland par son entrain son bagout et sa
malice- mais jamais il n’a trompé ses clients, et il vend au juste prix en fonction des récoltes, dit
l’autre.
– Mais qui est-il vraiment et d’où vient-il, pourquoi ces mystères ? se dit Augustin.
– C’est vraiment très étonnant qu’il ne soit pas là reprend l’un des voisins, il a mis longtemps avant
d’obtenir une place de choix à l’année à Concarneau et il venait d’avoir son abonnement de résident
à Trégunc.
– Il risque de la perdre, le placier Régis Renard est très strict sur les règles, et les demandes sont
nombreuses en cette période de l’année, dit le deuxième marchand.
– Bien je repasserai la semaine prochaine, il sera certainement revenu, il a dû avoir un sérieux
problème.
Hier, son remplaçant ne m’a pas paru très à l’aise, l’air fermé et peu bizarre, quand je lui ai demandé
des nouvelles de Basile. Apparemment personne ne semble le connaître non plus au marché de
Concarneau.
Augustin quitte la place du marché très intrigué, c’est un joueur et il aime imaginer des scénarios
abracadabrants qui le détendent de ses algorithmes, codages, conception, langages systèmes, qui
font l’essentiel de son métier.
Il commence à échafauder des hypothèses de toutes sortes sur l’absence inexpliquée de Basile
Oreillon et sa fille Justine au marché :
– Ils ont gagné au jeu comme moi, ou peut-être ont-ils été victimes d’un accident, ou d’un
empêchement grave tout simplement.
Ou alors, ils ont une double identité et la ferme leur sert de couverture pour des activités louches, le
père est un escroc en fuite, ou un témoin protégé, que sais-je encore?
Il se dirigea vers le grand parking près du marché, et ne vit pas l’homme qui le suivait discrètement;
Il ne l’aurait pas reconnu derrière son nouveau look, il portait une tenue décontracté de bon ton, son
visage lisse était caché par de grosses lunettes de soleil, un chapeau stenson complétait le tableau.
Cet homme semblait se fondre dans le paysage comme un caméléon…
A suivre

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