Textes atelier II

La distance …. les kilomètres

La consigne de cet atelier est proposée dans un rapport à l’actualité de ce 11 mai 2020.

j’ai proposé cette consigne : 99.99 km, 100km , 101km

Pour moi, elle allait peut-être être un peu déconcertante , mais j’y voyais un grand intérêt de réflexion

 

Je me permets de publier ici, un texte que j’ai partagé sur facebook, car je l’ai écrit le 11 mai .

 

4h30. Trop tôt pour m’échapper. Trop tôt pour aller la voir. Il fait encore nuit, pourvu qu’il n’y ait pas de pluie tout-à l’heure. Je m’allonge. Je me rendors, puis me réveille en sursaut. Je rêvais de quelque chose, de quoi? Je rêvais d’une lutte, je gagnais l’affrontement. J’étais victorieuse, je le sais. C’est tout ce qui me reste du rêve. le déroulement, la cause, le lieu tout est flou. Mon réveil a tout de suite chassé de mon esprit ce rêve. Ce qui m’importe c’est d’aller la voir. Aller le voir et m’épanouir, respirer enfin! Il est huit heures du matin? j’ai pris ma douche, mon petit déjeuner. Pourvu qu’il ne soit pas trop tard. Il me faut un quart d’heure de trajet pour la rejoindre. Pourvu qu’il soit possible d’y arriver avant que d’autres ne viennent. Le temps est sublime, il y a du vent sans la pluie, du vent. Il souffle fort, peut-être une tempête. Tout bougera! Je m’en réjouis. Je suis prête. Soudain, je ressens un doute, plus qu’un doute, un découragement, une hésitation. Faut-il vraiment y aller? Peut-être que la pluie va se mettre à tomber avec fracas: un déluge ! Non. Il y a du vent. Je l’aime, ce ven ! Quelle est sa vitesse? Celle de la tempête, la mienne. J’y vais. Je m’en vais, je pars, enfin! Ma voiture va-telle tenir? Un petit bruit de courroie m’inquiète. Elle n’a pas circulé depuis un long moment, juste pour des déplacements ne dépassant pas plus d’un kilomètre. Tant pis ! Si je tombe en panne, j’aviserai, quelle importance! Il ne faut pas que je me soucie de ce qui n’est pas. Ce qui empêcherait de faire à cause d’une simple inquiétude générée par une supposition, par une suspicion de surcroît uniquement technique. La voiture roule, je n’entends plus le bruit de ce que j’avais diagnostiqué comme étant celui d’une courroie. Il y a peu de circulation. Le vent m’accompagne. La route est longue, pourtant la distance est la même que d’habitude, la durée aussi. Mais ma route est longue. j’y suis presque. j’hésite vers le choix de direction à prendre pour y accéder. Je vais enfin la voir ! Je souris. Je me vois sourire dans le rétroviseur. Je n’ai pas de masque. Je n’ai aucune raison de me camoufler. Ici, je n’ai personne à protéger , ni à craindre. J’ai des larmes aux yeux. Vite elles disparaissent. J’y suis. Personne. Aucun véhicule. Seule. Je suis soulagée. Mais au moment où je veux me garer sur le parking, à droite, une barrière m’en empêche. Un panneau d’interdiction est affiché. Le littoral est interdit à cause du COVID19. S’il n’y a aucun être humain c’est sûrement parce qu’il est encore tôt, comme autrefois quand j’allais aux aurores marcher sur la plage et que je savais que je ne trouverais âme qui vive. Autrefois, de si bon matin, il n’y avait qu’elle et moi. Autrefois, c’était il y a deux mois. Les panneaux sont là, mais aujourd’hui c’est le 11 mai 2020, l’interdit est levé. Ils n’ont pas dû avoir le temps d’enlever les panneaux. Pas d’hélicoptère, ou de drone au-dessus de ma tête. Je suis enfin là. Je me suis garée sur le bas-côté. Je suis enfin là, je vais la voir. Elle est derrière la dune. Je dois escalader sur la dune. Le chemin d’accès est bordé par une haie d’herbes plus hautes qu’autrefois. Les herbes fines, plantes des milieux marins, plantes du littoral qui m’accueillent avec une haie d’honneur. Je me sens gratifiée. Elles savent que je ne suis pas une ennemie. Je ne laisserais aucune trace sur le chemin en sable. Je marche en aimant être agacée par le vent. Il peut me pousser autant qu’il veut, je suis attendrie par son jeu, son arrogance, sa puissance et sa douceur. Nous nous aimons. Elle est là. Bien sûr qu’elle est là, toujours là, infiniment, indéfiniment et définitivement là. Plus je me suis approchée, et de mieux en mieux je l’entendais. La dune ne permet plus de passages pour aller jusqu’à me mouiller les pieds. Le sable a fabriqué un mur. Je ne peux descendre sur la plage. Elle est si belle, je comprends qu’une approche prudente est préférable, il me faut l’apprivoiser. Elle est si belle. j’ai l’impression qu’elle s’expose comme une star. Elle se présente de face ou de profil, gesticulant avec enthousiasme, toujours gracieuse, changeant de teint toutes les secondes, excitée. Oui, la mer s’agite à ma vue . Elle est pétulante, séduisante, irrésistible. Alors, je succombe d’affection pour elle. Je m’effondre de joie. Je jubile. Elle le sait. Nous sommes loin l’une de l’autre mais nous n’avons jamais été aussi proches depuis si longtemps. Nous nous reconnaissons. Sur la dune, il y a plein de variétés de fleurs. Je saisis mon appareil photos. Je veux photographier chaque instant de nos retrouvailles. Autant d’images que de portraits d’elle. Elle et le ciel, elle et le nuage, elle et la fleur, plan large ou rapproché. Elle et le chardon, elle et le sable, elle et l’arbre, le pin, le buisson, en contre-plongé. Je marche, j’avance. Elle et la barrière, non…celle-ci est loin de moi. Ai-je le droit d’être là? La mer est là, sans sens interdit. Il faut que je sache tout photographier, tout, mon amour. Il faut que ma mémoire enregistre toutes les sensations, toutes les minutes, toutes les secondes de couleurs que je capte goulûment. Enfermée, prisonnière je revivrai alors ma vie. Je n’irai donc pas marcher sur la plage. Mais je prends les chemins, je photographie les sentiers, les cailloux, et elle est là. Je photographie toutes les traverses, les allées, chaque rocher. Chaque millimètre est une œuvre d’art. Je suis submergée par l’absolu de l’émotion, l’émotion absolue. L’art est rupestre, l’art est cubiste, l’art est premier, l’art est surréaliste ou impressionniste, pointilliste… L’art est inédit, habituel, éphémère et ancestral, brut et universel, statique et mouvant, froid et sensuel, éloquent et neutre, troublant, tragique, dramatique, déchirant et impitoyable, pathétique, attrayant. L’eau de l’art. L’eau-de là. Tout l’art est là, le tout est art. Il n’y a pas de mort. Il n’y a pas la mort. Il n’y a pas de menace, il n’y a pas de danger. Et même si le vent me renversait, et même si je me noyais dans cette merveille inestimable, il n’y aurait pas de drame. Je suis libre.

C. Marc

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