LE PETIT GARDIEN DU JARDIN
Un râteau appuyé contre les poteaux tenant les cordeaux, des outils traînant
dans les allées envahies d’herbe sauvage, voilà le lieu de vie de Petit épouvantail. Le vent
souffle dans ses oreilles et la pluie mouille ses cheveux de paille.
Même si il est très fatigué, qu’il souhaiterait s’allonger dans les buissons où
nichent les oiseaux, il n’en n’a pas le droit. Il ne peut pas dormir, il doit protéger les semis,
semailles, graines qui libèrent le début de floraison dans le potager. Les tuteurs commencent
à se couvrir de pousses jeunes et tendres. Une abondante frondaison habille les arbres,
permettant aux oiseaux de s’y cacher.
Un banc de jardin à la peinture écaillée, proche d’un arbrisseau, sert de
repos aux rouge-gorges et aux grives. Les grosses corneilles et corbeaux scrutent en
croassant les légumes bientôt à maturité. Mais ils n’osent pas approcher, car ils ont très peur
de Petit Epouvantail. Avec son nez crochu, ses yeux décousus et ses dents pointues, il est
vraiment effrayant.
D’un seul regard, il fait s’enfuir ces grands oiseaux noirs qui ne
deviennent alors que des ombres. Ils volent en bande, se perchent sur le toit de la cabane
en bois, sur la tonnelle ou sur la margelle du puits. Le seau et l’arrosoir y attendent le
jardinier.
Petit Epouvantail s’aperçoit que les précieuses citrouilles, dont il
est le gardien, sont presque mûres grâce aux eaux de pluie et que bientôt, les enfants de
l’école viendront les cueillir pour Halloween. Les grandes feuilles continueront à régaler les
loches, limaces, vers, asticots. Les abeilles et frelons butineront sereinement les fleurs
tardives.
Par un matin ensoleillé, Petit Epouvantail entendit au loin le rire des
enfants, il secoua son chapeau de plaisir. Les enfants se ruèrent comme une nuée de
hannetons sur les grosses citrouilles orangées.. Lorsqu’elles seront toutes cueillies, pensa
Petit Epouvantail, je pourrai enfin me reposer et dormir comme un hérisson.
Malheureusement, une petite citrouille avec de jolies tiges vertes et
un nez retroussé, restait là, toute seule, près de la ganivelle. Petit Epouvantail la réconforta
et la protégea des oiseaux, espérant de tout cœur que le jardinier viendrait la ramasser. Mais
le jour d’Halloween, la petite citrouille était toujours là, elle allait rater la fête.
Soudain, Petit Epouvantail sent qu’on le transporte. Il s’agite dans
tous les sens et en perd son chapeau troué où des pétales de roses se sont posés. Le jardinier
retourne le ramasser, et sous le chapeau, il découvre la citrouille.
Elle est si belle qu’il l’installe sur le rebord de sa fenêtre. Ce soir,
tous les enfants verront la petite citrouille au nez retroussé, avec Petit Epouvantail à ses côtés.
Françoise Macy