100 km, 99.99 km, 101 km de Boum

100 km, 99.99 km, 101 km
Tous les 100 km se dresse un dôme, hémisphère de 10 mètres de rayon.
La plus petite distance entre le centre d’un dôme et la surface d’un autre est de 99 km 99 précisément.
Les émanations pacifiantes des dômes diffusent à partir des centres.
Elles se répandent sur tout le territoire.
Tout est calculé pour que, lorsque les émanations d’un dôme sont devenues trop faibles, elles soient compensées par les émanations de ses voisins.
Les territoires d’influence de chaque dôme quadrillent le territoire en un pavage régulier.
Vers les dômes convergent des rails sur lesquels circulent des charrois qui acheminent la matière première pour les alimenter.
Tout au long des rails, des aiguillages permettent de guider les charrois en jachère.
Ils restent un mois en cet état et puisent dans l’atmosphère les ingrédients constituant la matière première des émanations.
Partout on peut voir des charrois semblant abandonnés dans des voies de garage.
Chaque charroi présente quelques ouvertures circulaires au travers desquelles sont aspirés les éléments de l’environnement.
Le jour, l’aspiration produit un sifflement discret comme celui d’un vent doux.
La nuit, les diaphragmes des ouvertures se ferment complètement.
Les substances enfermées se choquent contre les parois internes du charroi qui gronde imperceptiblement.
Au bout d’un mois, un charroi en fin de jachère, s’ébranle doucement et se remet à rouler.
Lorsqu’un charroi atteint un dôme, une déchirure se forme en sa surface pour le laisser entrer à l’intérieur.
Dès que le charroi est passé elle se referme rapidement.
Le charroi livre sa cargaison de matière première et ressort par le côté diamétralement opposé à celui par lequel il est entré.
Il poursuit sa route vers le dôme suivant.
Tous les 101 km se trouve un concentrat de population humaine, soit à 1 km de chaque dôme.
Cette population, exposée aux émanations pacifiantes, vit dans une atonie générale bien que tous ses membres soient d’un tempérament aigre-doux.
En effet, les substances de l’atmosphère qu’ils reçoivent, les accablent de douceur sous laquelle perce parfois le malaise inhérent à la condition de mortel qui reste la leur.
Certains ont des manies telles se gratter furieusement la peau comme pour se dépecer, se défaire d’une enveloppe embarrassante.
Ils se font mal sans jamais pouvoir s’arracher à eux-mêmes.
Pour prévenir ces comportements d’automutilation, la composition des émanations pacifiantes s’ajuste régulièrement pour limiter les dérives.
Sans cela, les individus s’accoutument aux émanations et sont moins sensibles à leurs effets.
Leurs vêtements sont en tartan dont le motif quadrillé contraste avec la rondeur blanche immaculée des dômes.
Ils portent au côté une tasse, en général ébréchée, car cela fait déjà plus de trois siècles qu’on ne remplace plus guère les objets.
Ils remplissent leurs tasses aux fontaines du concentrat.
De ces fontaines coule une eau qui provient elle aussi des dômes par un système de canalisations végétales qui s’auto-entretiennent.
Lorsqu’un trou se forme dans une canalisation, une rustine est immédiatement sécrétée pour colmater la brèche.
L’eau n’est pas pure, elle est évidemment enrichie d’un additif pacifiant de la même nature que les émanations.
Lorsqu’un individu cesse de boire, il dépérit rapidement.
L’air qu’il respire et l’eau qu’il boit constituent ses seuls apports nutritifs.
Ces individus fonctionnent en partie comme des végétaux.
Ils ont été transformés et une partie de leur métabolisme est végétal.
Ils ne sont pas autorisés à sortir d’un certain périmètre afin de ne pas perturber les cycles de vie des charrois et des canalisations.
Avant, alors que les émanations des dômes étaient uniquement nutritives, des opérations de sabotage avaient régulièrement lieu.
Les canalisations sciées ne parvenaient pas à cicatriser.
Les charrois déraillés et dans l’incapacité de regagner leur rail, rouillaient sur place offrant un triste spectacle à leurs congénères.
Puis les humains avaient découvert le brondurax, un végétal, qui leur procurait un bien-être qui leur avait fait oublier les affres de l’existence.
Ils avaient repiqué ce végétal en leur peau pour pouvoir profiter de ses bienfaits en permanence.
Et alors les humains étaient devenus hybrides faisant même un peu de photosynthèse.
Et peu à peu leurs organes humains s’étaient sensiblement atrophiés.
Tout cela, c’était après la catastrophe de Tanda avait provoqué la mort des neuf dixièmes de la population mondiale.
Les dômes avaient été édifiés, l’approvisionnement du territoire organisé.
La population traumatisée s’était gavée de substances tranquillisantes et pacifiantes pour oublier les disparus, le désastre.
Tant et si bien, qu’elle était devenue globalement dépendante.
La dépendance avait été favorisée par l’action d’un virus l’heptavir-12, qui avait aidé sinon provoqué l’accoutumance et l’impossibilité de décrocher de ses substances.
Petit à petit, la population s’était calmée.
Même la couleur de la peau de ses placides membres s’était teintée de vert à force de végétalisation.
Voici quel est l’état du monde en l’an 3,212 après le premier état de conscience humain avéré.
Le dixième survivant de la population humaine affaiblie et transformée va-t-il s’éteindre à son tour ?
Le système marche en roue-libre, l’avitaillement est automatique et garanti car 100% naturel.
Les humains greffés et dépendants de substances pacifiantes, abrutis vont bientôt prendre racine.
Mercredi 13 mai 2020
Boum

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